Terre et savoirs : un événement dédié à la rencontre des savoirs paysans

 

Journée pluvieuse, mais journée heureuse. En ce mois de septembre 2024, l’équipe de Vergers du Monde organisait son premier événement, en partenariat avec la Cité du développement durable, pour marquer ces quatre année d’échanges entre agriculteurs d’ici et d’ailleurs.

 

Dans un lieu atypique

Connaissez-vous le Jardin d’agronomie tropicale? Situé au cœur du Bois de Vincennes, il faut traverser un quartier résidentiel cossu pour y accéder. À votre grande surprise, vous tomberez sur des stèles et des statues d'Océanie et d'Afrique, dispersées parmi les arbres. Mais quel est donc cet endroit insolite, niché à quelques pas du tumulte de la ville? Une atmosphère particulière y règne, et cela n'a rien d'étonnant. Le Jardin d’agronomie tropicale René Dumont, créé en 1899, porte les traces d’un passé colonial complexe. En 1907, il accueillit une Exposition coloniale, visant à promouvoir les produits des colonies françaises. Outre les pavillons dédiés à l'agriculture, des "villages indigènes" y étaient exposés, où des personnes originaires des colonies étaient mises en scène pour le divertissement des visiteurs. À l'époque, cela était perçu comme une curiosité, mais avec le recul, ces représentations s’apparentent à ce qu’on appellerait aujourd’hui des "zoos humains", témoignant d'une vision déshumanisante de l’époque.

Le choix d’organiser Terre et Savoirs dans ce lieu n’est pas anodin. Le Jardin d’agronomie tropicale, autrefois témoin d’inégalités coloniales, devient aujourd’hui un espace de rencontres et d’échanges. En rompant avec ce passé, Vergers du Monde veut promouvoir des échanges équilibrés entre agriculteurs locaux et exilés, convaincu que ces partages sont essentiels pour relever les défis de demain. L’événement symbolise un nouveau dialogue, basé sur la collaboration autour des savoirs agricoles.

 

L’expo-photos au coeur de la forêt

Les savoirs paysans peuvent-ils toutefois être transmis d’une culture à une autre? Dans un contexte de dérèglement climatique, les agriculteurs en exil apportent-ils des clés d’adaptation par leurs gestes et leur connaissance de la terre? Et comment valoriser ces connaissances précieuses, souvent reléguées au second plan ici et ailleurs?

Depuis 2020, Vergers du Monde explore ces questions en facilitant les échanges entre agriculteurs locaux et agriculteurs exilés. Avec une série de photographies grandeur nature, nous avons souhaité mettre en lumière trois binômes d’agriculteurs de divers horizons et types d’agriculture, dont les pratiques se complètent et s’enrichissent mutuellement : Stéphane et Nizar, Claudia et Leslie, et Jean-Paul, Nadine et Anis. Capturées le temps d'une image, ces rencontres témoignent de l'importance de valoriser la rencontre humaine et les patrimoines culturels, essentiels pour la construction de solutions futures.

Avec plus de quinze ans d'expérience, Brice Godard, photographe et réalisateur, a su capturer ces instants uniques avec son objectif. Son travail, salué pour l'interaction des lignes, des perspectives et de la lumière, illustre avec une sensibilité rare et une précision remarquable les échanges culturels et agricoles. En travaillant aux côtés des agriculteurs, Brice a trouvé une connexion profonde entre leur travail et le sien, découvrant des savoirs partagés par toutes les civilisations.

 

La conférence-débat

La journée se poursuit à 15h avec une conférence-débat au pavillon Indochine, centrée sur l'importance des savoirs paysans. Jean-Luc Campagne, de l'association Geyser, partage ses nombreuses années d'expérience auprès des agriculteurs français, en illustrant leurs savoirs et leur résilience face aux défis constants.

Olivia Aubriot, agro-ethnologue au CNRS, nous transporte quant à elle en Himalaya pour discuter de l'eau, enjeu vital et source de conflits. Ici comme ailleurs, les modèles productivistes poussent à l’épuisement des ressources naturelles, poussant eux-mêmes à des comportements de plus en plus individualistes, au détriment de l’intérêt collectif. C’est le serpent qui se mord la queue.

Enfin, pour terminer sur deux notes plus positives, Gaëlle Rousseau et Nhung Nguyen Deroche nous font découvrir et déguster leurs produits, issus de nouvelles filières agricoles françaises, et alliant savoirs ancestraux et innovations technologiques. D’une part, la théiculture avec les Jardins de thé présenté par Gaëlle Rousseau, d’autre part, le konjac et ses nombreuses vertus, expérimenté au pays de l’Anjou par Nhung avec France-Konjac : ou comment redonner du sens et réfléchir à ce que nous consommons.

Un immense merci aux intervenants, aux participants et aux organisateurs, qui ont fait de cette journée un moment riche en réflexions et en découvertes.

 
Précédent
Précédent

Deux jours avec le consortium de la quarantina en Ligurie, Italie

Suivant
Suivant

La guerre et la terre : l’autosuffisance au gré des époques