Les céréales de demain sont-elles cachées dans les grains d’hier ?
En Auvergne, au cœur du Centre de ressources génétiques de Clermont-Ferrand, un travail essentiel se mène loin des projecteurs : la préservation et la régénération de plus de 27 000 variétés de blés, d’orges, de seigles et d’avoines. Derrière ces graines soigneusement conservées se cache un pan entier de l’histoire agricole, un savoir-faire précieux hérité des paysans d’autrefois et une ressource inestimable pour l’avenir.
Sauvegarder la diversité, un enjeu pour demain
Pendant des siècles, les paysans ont sélectionné et cultivé des céréales adaptées à leurs sols, leurs climats et leurs usages. Chaque vallée, chaque plaine possédait ses variétés locales, adaptées aux conditions du terroir et aux traditions culinaires. Pourtant, l’intensification agricole du XXe siècle a bouleversé cet équilibre : la standardisation des cultures a entraîné la disparition de nombreuses variétés anciennes. Ce phénomène a non seulement appauvri la biodiversité, mais aussi réduit la résilience des cultures face aux maladies et aux changements climatiques.
Conscients de l’urgence, des chercheurs de l’INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), des agriculteurs et des meuniers se mobilisent pour sauvegarder et remettre en culture ces variétés oubliées.
Photo : exemple de diversité dans les collections du CRB Céréales à paille de Clermont-Ferrand. Photo Thierry Nicolas.
Le rôle clé du Centre de ressources génétiques de Clermont-Ferrand
Géré par l’INRAE, le Centre de ressources génétiques de Clermont-Ferrand conserve 42 espèces de céréales sous forme de semences, de parcelles de multiplication et de collections historiques. Parmi elles, la collection Vilmorin, qui regroupe des variétés de blé du XIXe siècle, témoigne de la diversité des céréales cultivées autrefois en France.
Mais cette banque de semences n’est pas qu’un conservatoire figé : elle est au cœur de la recherche et de l’innovation agricole. Les semences y sont régénérées régulièrement et mises à disposition d’agriculteurs et de sélectionneurs qui souhaitent réintroduire ces variétés dans les champs.
Photo : INRA Crouel Le CRB Céréales à paille - Clermont-Ferrand le 08 janvier 2025 - Photo Thierry NICOLAS
Quand les agriculteurs font revivre les céréales anciennes
Sauvegarder des graines ne suffit pas : pour qu’une variété survive, elle doit être cultivée, transformée et consommée. C’est pourquoi plusieurs initiatives locales voient le jour pour remettre en culture ces céréales et les réinscrire dans une dynamique paysanne.
Depuis 2015, un collectif d’agriculteurs en Haute-Loire expérimente la culture des céréales anciennes, partageant semences et savoir-faire. À travers ces échanges, les paysans redécouvrent les qualités de ces variétés : rusticité, résistance aux maladies, goût authentique et richesse nutritionnelle. Face aux défis climatiques et à l’appauvrissement des sols, ces céréales représentent une alternative crédible à l’agriculture intensive.
Des filières locales pour valoriser ces cultures
Un autre défi consiste à donner une place économique aux variétés anciennes. En Auvergne, les Moulins d’Antoine ont créé une filière de blé ancien, en partenariat avec des agriculteurs et des chercheurs. Ensemble, ils ont réintroduit une variété de blé cultivée dans les Limagnes au XIXe siècle. Cette farine locale, issue d’un blé adapté aux terroirs d’Auvergne, permet aux boulangers de proposer des pains au goût et à la texture uniques.
Au-delà du pain, d’autres circuits s’organisent : brasseries artisanales, biscuiteries et même producteurs de pâtes commencent à s’intéresser à ces céréales oubliées, qui retrouvent peu à peu leur place dans nos assiettes.
Un levier pour une agriculture plus résiliente
Préserver les variétés anciennes de céréales, ce n’est pas seulement sauvegarder un patrimoine : c’est aussi investir dans l’avenir. Ces grains sont une source de diversité génétique précieuse pour adapter les cultures aux nouvelles contraintes climatiques, tout en offrant aux paysans des alternatives face aux semences industrielles.
L’Auvergne, par son engagement dans cette conservation et cette revalorisation des céréales anciennes, montre qu’un autre modèle agricole est possible : un modèle qui s’appuie sur les savoirs du passé pour construire un futur plus durable et plus résilient.
Sources
INRAE - Centre de ressources génétiques de Clermont-Ferrand : conservation de 27 000 variétés de céréales à paille.
Haute-Loire Biologique : réintroduction des céréales anciennes par des agriculteurs.
Moulins d’Antoine : vlorisation locale du blé ancien pour la boulangerie.
Produire Bio : témoignages sur l’agriculture paysanne et la biodiversité.